Page d'accueil du site| Home page

DFS 108-53 Habicht
1ère partie
(2ème partie)
Richard FERRIERE


En 1936, Hans Jacobs présenta à la communauté vélivole allemande son dernier-né : le Habicht (autour des palombes) ; c'était le premier planeur conçu dès l'origine pour la pratique de la voltige dite de haute école. A cette époque déjà, Hans Jacobs était connu comme l'un des plus brillants créateurs de planeurs. Son nom apparaît dans l'Histoire du vol à voile lorsque, en 1921, il entreprend en compagnie d'Arthur Martens, la construction en série du « Vampyr » et contribue à la fondation d’une des premières écoles de vol à voile installée sur le terrain de la Wasserkuppe. Mais sa carrière débute vraiment en 1927 lorsque Alexander Lippisch, qui occupe, depuis 1925, le poste de directeur de la section « Mécanique du vol et aérodynamique » à la Rhön Rossitten Gesellschaft, s'assure sa collaboration. Promu assistant de Lippisch, Jacobs entreprend alors la rédaction d'un ouvrage intitulé : « Werkstattpraxis für den Bau von Gleit und Segelflugzeuge » (Traité pratique sur la construction des planeurs) qui paraît en 1931 et devient bientôt la bible de tous les vélivoles allemands. Parallèlement, il se consacre à l'étude de planeurs de performances : Rhönadler (1932), Rhônbussard (1933). Puis en 1934, suivant Lippisch, il rentre comme chef de la division planeurs au DFS (Deutsche Forschunganstalt für Segelflug Institut d'étude et de recherche sur le vol à voile) implanté à Darmstadt et qui faisait office de bureau d'étude et de centre d'essais des prototypes de planeurs. Dans ce cadre, il créé toute une lignée de planeurs célèbres : Rhönadler (1932), Rhönbussard (1933), Rhönsperber (1935), Kranich (1935), Habicht (1936), Reiher (1937), Weihe (1938), Meise (1939) et le tristement célèbre DFS 230; le développement en série de ces machines étant assuré par les principaux fabricants de l'époque : Schleicher (Rhönadler, Rhönbussard), Schweyer (Rhönsperber, Kranich, Weihe), Schempp-Hirth (Habicht)..

Le Habicht

Jusqu'alors l'évolution des planeurs avait été essentiellement axée sur l'amélioration de l'aérodynamique et la recherche de performances voilières élevées. Hans Jacobs entreprend l'étude à contre-courant de la tendance générale, d'un planeur dont les principes de conception sont basés sur une très grande maniabilité et sur une résistance structurale permettant de faire supporter à la cellule des vitesses et des facteurs de charge très élevés.


Cliquer pour agrandir l'image

Habicht 108 E 53
Envergure : 13,60 m.
Longueur : 6.58 m.
Surface alaire : 15,82 m2.
Allongement : 11,70.
Masse à vide : 250 kg.
Masse maximale : 350 kg.
Charge alaire : 22,15 kg/m2.
Profil : Gö 420/Gö 693.
Vitesse de décrochage : 57 km/h.
Vitesse maximale : 420 km/h.
Finesse maximale : 19,4 à 80 km/h.


Télécharger le modèle pour Flight Simulator


Le DFS Habicht E reconstruit pour le Musée du Vol à Voile de la Wasserküppe



Le Habicht est exposé au Musée et participe aux rencontres de planeurs anciens et au meetings aériens

La description de mode de construction du Habicht est illustré à partir de photos empruntées au site allemand qui conte la construction d'un Habicht neuf D-1901 par une équipe de modélistes Walter, Clemens et Cristoph Zahn (père, fils et petit fils) qui avaient la pratique des modèles de très grande dimensions (10m). Le D-1901 vient rejoindre le D-8002 reconstruit par les membres du Segelflugzeug Museum de la Wasserkuppe. Les modélistes pourront profitablement consulter le site de Michaël Ohlwein qui a réalisé parmi d'autres merveilles un Habicht à l'échelle 1/4 reproduisant la structure de l'original


Le magnifique Habicht 108-53 E construit par Walter et Clemens Zahn et piloté par Christoph Zahn.
 La dérive est décorée avec un portrait de Hans Jacobs
. Les ogives placées en bout d'aile sont
destinées à recevoir les fumigènes
utilisés pour marquer les trajectoires lors des démonstrations de voltige

Le fuselage est réalisé suivant la technique de construction monocoque fondé sur le recouvrement, par des panneaux de contre-plaqué préformés, d'une structure primaire composées de couples ovoïdes réunis par quelques lisses ; la pointe avant du fuselage très arrondie réalisée au moyen d'une casserole en tôle d'aluminium chaudronnée à froid. Les particularités du fuselage tiennent dans les importants raccords Karman entre l'aile et le fuselage particulièrement renforcé à cet endroit, le profilage de la tête du pilote qui se prolonge jusqu'à l'attache du plan fixe, la petite plate-forme constituant la partie antérieure de la dérive et sur laquelle vient se fixer, dans une position fortement surélevée, le plan fixe.


Assemblage des couples et des lisses sur le chantier de montage

Vue depuis l'intérieur du fuselage de la structure monocoque

Recouvrement de la structure par des panneaux de contreplaqué

Concession aux techniques modernes la casserole avant est réalisée en fibre de verre stratifiée à la place de la tôle d'alu mise en forme à froid

Construction du raccord Karman

L'extrémité arrière du fuselage et l'assise du plan horizontal


Le poste de pilotage est recouvert par un plastron entièrement amovible sur lequel est fixé un petit pare-brise en rhodoïd. Le train d'atterrissage est composé d'un long patin en frêne amorti par des balles de tennis et par une béquille constituée par une lame d'acier. Un chariot auxiliaire muni de deux roulettes (BO) (2) est fixé sur le patin ; utilisé uniquement pour faciliter le décollage, il est largué lorsque le planeur atteint deux ou trois mètres d'altitude. Le crochet de remorquage est placé dans le nez du fuselage un peu en avant du patin.


Le plastron qui recouvre le poste de pilotage  et supporte le pare-brise a parfois été remplacé sur certain modèles par une verrière complète

La béquille arrière amortie par ressort et orientable

Le patin est amorti par une rangée de balles de tennis.

La ferrure métallique qui permet la fixation et le larguage du BO


La voilure de 13,6 m d'envergure et 15,82 m2 de surface présente en plan une forme en simple trapèze et en section un profil original extrapolé des Gö 420 et Gö 693. La dièdre double est composé d'une partie centrale faisant un angle de 12° par rapport à l'horizontale et d'une partie extérieure sans dièdre. Le dièdre en M qui fut souvent utilisé pendant la période 1935-1950 présentait l'avantage d'assurer au planeur une grande stabilité latérale en virage ; cette caractéristique était fort appréciée lors des vols de nuage qui étaient de pratique courante à cette époque. Du point de vue de la structure, l'aile est construite autour d'un longeron caisson unique constitué de deux semelles en sapin de forte section et de deux âmes en contre plaqué ; le longeron est contreventé par une barre de traînée oblique joignant la nervure d'emplanture à la cassure de dièdre du longeron principal. Les nervures sont réalisées en treillis simple de baguettes de spruce à l'exception de la nervure d'emplanture pour laquelle le treillis est pris en sandwich entre des plaques de contre-plaqué de forte épaisseur. Le bord d'attaque, la zone comprise entre le longerons et la barre de traînée et les extrémités d'aile sont coffrés en contre-plaqué de 1,5 mm d'épaisseur de manière à réaliser avec le longeron principal un solide caisson de torsion, L'ensemble de la voilure y compris les ailerons sont entoilés.


La construction du longeron. Les semelles en lamellé-collé sont réunies par des diaphragmes en contre plaqué, les âmes en contre plaqué collées sur les chants des semelles fermerons le caisson

Les becs et les queues de nervures sont réalisées en treillis de baguettes pour les pièces les plus importantes en dimensions. Les plus petites sont simplement découpées dans du contre plaqué

Les becs de nervures sont collées sur le longeron. La ferrure pricipale est installée à l'extrémité du longeron

Collage des queues de nervures après coffrage du bord d'attaque

L'assemblage des ailes entre elles et sur le fuselage se fait au moyen de deux axes métalliques coniques traversant les ferrures en acier placées aux extrémités des longerons et le maître-couple du fuselage ; le positionnement de l'aile sur le fuselage est réalisé par deux ferrures fixées à l'extrémité des barres de traînée venant se fixer sur un couple de fuselage. Les aérofreins du type DFS constitués de plaques métalliques non perforées, ne se déploient qu'a l'extrados de l'aile.


Ajustement des ferrures principales fixées sur les longerons

Les aérofreins d'extrados sont constitués d'une plaque métallique articulée sur 4 charnières

Les empennages sont composés pour le plan vertical d'une dérive entièrement coffrée solidaire du fuselage et sur laquelle s'articule une gouverne de direction entoilée qui ne bénéficie que d'une compensation statique.


La dérive vient de construction avec le fuselage

Détail de l'implantation du plan horizontal sur le bas de la dérive


Le plan horizontal est constitué d'une partie fixe entièrement coffrée, fixée sur le fuselage par deux ferrures de deux petits mâts obliques. La gouverne de profondeur entoilée possède des becs débordants de compensation aérodynamique et statique et un compensateur commandé de profondeur est disposé sur la partie droite de la gouverne.


La gouverne de profondeur présente des becs débordants d'équilibrage statique et dynamique

L'empennage horizontal est fixé sur le fuselage par deux ferrures axiales, l'horizontalité du plan fixe est assuré par les deux mâts obliques


Finition de la menuiserie avant entoilage et peinture

Entoilage de l'intrados et lardage de la toile sur les nervures

Le tableau de bord est équipé d'instruments modernes. La boule jaune est la commande larguage du câble de remorquage et de treuillage. On remarque que les pédales du palonnier sont équipées d'étriers nécessaires au vol dos et à la voltige négative

Les commandes disposées sous le siège pilote : au centre la commande rigide de profondeur et de gauchissement. En bas avec la boule blanche la commande de larguage du BO; au dessus avec la boule verte la commande du compensateur de profondeur


 Le Habicht fut essayé en vol à la fin de l'année 1936 à Darmstadt. Il ne devait cependant pas connaître en tant que machine de sport un développement en série comparable à celui des autres planeurs conçus par Jacobs, la préoccupation de l'époque était de faire progresser la connaissance du vol à voile alors que la voltige n'était considérée que comme un agréable divertissement et non comme une fin en soi (cette conception des choses prévaut encore aujourd'hui). Le Habicht, à défaut de connaître l'expansion numérique de ses frères avait pour finalité d'être une machine de démonstration du savoir faire allemand en matière de planeur.

Il faut alors se replacer dans le contexte de l’époque, Hitler était arrivé au pouvoir en Allemagne en 1933 par la voie démocratique mais il avait rapidement installé les fidèles du NSDAP aux postes clés. La prospérité et le plein emploi étaient revenus après une très longue et douloureuse crise économique. Le réarmement était en route, la fierté nationale et le militarisme revenaient au galop et faisaient oublier l’humiliation du Traité de Versailles. Comble de bonheur les Jeux Olympiques de 1936 allaient se dérouler à Berlin et les Jeux d’hiver à Garmisch Partenkirschen. Le comité olympique allemand avait inscrit le vol à voile et la voltige aérienne comme sport de démonstration dans le but d’en faire une discipline à part entière pour les Jeux de 1940. Mais le vol à voile que dominaient largement les allemands n’est pas dans sa pratique courante (vol de distance) une discipline suffisamment spectaculaire pour qu’elle soit susceptible d’influencer un Comité Olympique pour lequel les sports mécaniques demeuraient plutôt éloignés de la conception originale plutôt tournée vers l’athlétisme. C’est donc à deux Habicht pilotés par Hanna Reitsch et Heinz Huth que revint l’honneur de faire une démonstration de voltige en patrouille au dessus du stade olympique avec atterrissage sur la pelouse centrale. Les présentations de voltige en formation réalisées par Ludwig Hoffman, Otto Breutigam et Ernst-Gunther Haase eurent un très fort retentissement (voir un film d'époque). Hanna Reitsch qui symbolisait la « féminité libérée de la nouvelle Allemagne », se tailla également grâce au Habicht une part de gloire dans les nombreux meetings d'avant-guerre et en particulier aux Cleveland Air Race aux Etats Unis en 1938. A celui de Zurich en 1937, le très célèbre et populaire Marcel Doret fut fortement impressionné par la démonstration d'Hanna Reitsch . A sa demande, elle lui présenta Jacobs qui était à Zurich ce jour-là.

Lire la deuxième partie