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Meyers OTW
Jean-Louis BLENEAU


N34313, 1941 Meyers OTW-145 C/N 57, 1941 Meyers OTW-145, Warner Super Scarab 40&50 145 Hp

Un Warbird pacifique : le Meyers OTW.

 

Début 1939 l’US Army Air Force comptait tout juste 4 500 pilotes, dont moins de la moitié d’active. Un ambitieux programme de formation de pilotes fut mis sur pieds, qui permit à quelques artisans  de contribuer à cet effort. Parmi les avions retenus pour former les futurs aviateurs américains, le Meyers OTW est l’un des moins connus. Ce biplan ne laisse pourtant personne indifférent et il est aujourd’hui considéré comme un authentique Warbird.

 

Né en 1908 dans une famille d’émigrants suisses installés à Allenhurst, dans le New Jersey, Allen H. Meyers passa son enfance dans une ferme proche d’un des premiers terrains d’aviation utilisés par les pionniers américains et reçut très tôt une formation technique. Son père était en effet diplômé de l’Eidgenössiche Technische Hochschule, l’Institut Fédéral Suisse de Technologie. Après une première expérience de pilotage il décida d’opter pour l’aviation à la sortie du collège mais, à défaut de trouver un cursus scolaire approprié, apprit sur le tas. Il fut donc successivement apprenti chez Chance Vought, Glenn Martin et Stinson, à Wayne, dans le Michigan, tout en étudiant le pilotage. Après avoir obtenu sa licence de pilote privé il acheta un Waco 10 et, durant plusieurs étés, il connut l’existence de ces nombreux pilotes allant de ferme en ferme, de village en village, se produisant dans les meeting aériens et donnant des baptêmes de l’air ou des leçons de pilotage. C’était l’époque de ce qu’on appelle le ‘Barnstorming’.

 

Durant cette période il partagea ses expériences avec Martin Jensen et le Waco fut abandonné au profit d’un Jensen Sport Trainer. Chaudronnier chez Stinson, Allen Meyers apprit beaucoup, tout en étudiant les mathématiques et la construction mécanique aux cours du soir et, en 1933, il entreprit la réalisation d’un avion d’école de son cru. La construction du prototype débuta le 3 septembre 1933 dans un garage à Wayne et s’acheva à la fonderie Paul Keehl de Romulus. Il effectua son premier vol le 10 mai 1936 à Wayne County Airport, piloté bien entendu par Allen Meyers. Il était tracté par un moteur sept cylindres en étoile Warner Scarab de 125 ch.

 

Pilote et avion se firent remarquer rapidement. Ils firent en effet les gros titres du Detroit News car Allen, apprenant que sa mère avait été grièvement blessée dans un incendie, effectua une liaison Wayne-Middleburgh (Etat de new-York) avec son prototype, qui ne totalisait que neuf heures d’essais en vol. 

 

http://1000aircraftphotos.com/Contributions/3738L-1.jpghttp://www.aero-web.org/database/aircraft/showimage.php?id=12939

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A gauche, alignés sur le terrain de Outlaw Field à Clarksville, Tennessee, les Meyers OTW-145 NC-26476  (c/n 29) et OTW-160 NC-34349 et NC-34352 (c/n 93 et 96) de Knapp Flying Service.  Le OTW-145 a conservé son capot NACA, mais les carénages de roue ont déjà disparus.  Au fond, un Stinson SR-6 (Photo Lou Owen, http://1000aircraftphotos.com # 3738). A droite, un Meyers OTW-160 NC-34340 (s/n 85) survolant la Californie le 21 juin 1947 (Photo W.T. Larkins)

 

Cet appareil serait probablement resté unique si, le 27 décembre 1938, le Président Franklin Delano Roosevelt n’avait annoncé dans une conférence de presse le lancement d’un programme visant à favoriser l’enseignement du pilotage dans les établissements scolaires et universitaires américains. Supervisé par la toute nouvelle Civil Aeronautics Authority, le Civilian Pilot Training Plan (CPTP)  devait permettre la formation de 20 000 pilotes par an, et donc de constituer un réservoir de pilotes pour les besoins de l’armée américaine dans la perspective d’une guerre. L’occasion était trop belle pour être négligée. La Meyers Aircraft Company fut donc constituée et le biplan, baptisé fièrement Out-To-Win (Fait pour gagner), proposé au CPTP et à l’USAAF. Un second exemplaire, toujours équipé d’un moteur Scarab de 125 ch, fut également achevé en septembre 1939 à Romulus pour passer les épreuves de certification.

 

Si l’Air Force préféra le Stearman Model 75 (PT-17), la CAA porta son choix sur deux autres biplans biplaces en tandem, le Waco UPF-7 et le Meyers OTW. Un choix qui peut surprendre dans la mesure ou l’avion ne possédait alors qu’une certification limitée (2-550). La certification définitive (ATC-736) ne fut accordée que le 18 février 1941, à une époque ou le Piper Cub dominait largement le marché du CPTP.

 

Quoi qu’il en soit Meyers Aircraft Company, dont Allen H Meyers était président et ingénieur en chef et Otto Meyers vice-président et directeur général, trouva des locaux à Tecumseh, dans le Michigan, et la production fut lancée en 1940, 27 exemplaires seulement étant livrés la première année.

 

Le biplan Meyers était un avion sain et sans surprise, parfaitement adapté à l’école de début, mais souffrait d’un double problème : Il faisait appel pour sa construction à des métaux stratégiques de plus en plus difficiles à obtenir et son moteur de 125 ch, associé à une faible charge alaire, rendant ses évolutions laborieuses. A partir du numéro 42 le revêtement en alclad des ailerons fut remplacé par un simple entoilage et le 19 novembre 1941 fut certifié l’OTW-145 avec un moteur Warner Super Scarab de 145 ch, les avions déjà produits devenant rétroactivement OTW-125. 30 avions furent construits en 1941.

 

N26490, 1941 Meyers OTW-160 C/N 43, OTW fitted with wheel covers.Taxi Run

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’unique Meyers OTW-KR. Son moteur Ken-Royce 7G de 120 ch a rapidement été remplacé par un 5 cylindres Kinner de 160 ch. Cet avion construit en 1941 (s/n 43) vole toujours.   

 

Vendu 6 700 U$ départ usine en 1941, l’OTW-145 fut la version la plus populaire. Curieusement, en 1942, année qui vit la sortie de 28 appareils, une cellule fut équipée d’un moteur Ken-Royce 7G de 120 ch. Cet unique OTW-KR fut ensuite remotorisé avec un cinq cylindres radial Kinner R-5 de 160 ch, une motorisation qui fut certifié le 9 décembre 1943. Le moteur Kinner fut probablement monté directement sur les appareils construits en 1943. Le dernier Meyers OTW sorti d’usine porte le numéro 102. Assemblé en 1943 à partir de pièces détachées, il était destiné à Al Meyers, qui le conserva jusqu’à sa mort en mars 1976. Cet appareil fut alors cédé à l’Expérimental Aircraft Association, et fait aujourd’hui partie des collections de l’AirVenture Museum à Oshkosh.

 

Dès la fin de la guerre les écoles se séparèrent de leurs biplans, et les OTW n’y échappèrent pas. Un certain nombre furent alors transformés en avions agricoles, les autres pourrissant dans un coin jusqu’à ce que cet intéressant appareil redevienne à la mode au début des années 1971. La plupart des appareils furent alors remotorisés avec un moteur Kinner R-55 ou R-56 de 160/165 ch. Il est surprenant de constater que sur 102 OTW construits, 60 exemplaires existent toujours, dont 54 réputés en état de vol. Trois étaient offerts à la vente début mars 2011, leur prix se négociant entre  36 000 et 75 000 dollars.

 

Le Meyers OTW n’a pas été la seule réalisation de Meyers Aircraft Co. Sorti en 1942,  le Meyers ME-165 était un monoplan biplace en tandem d’école à postes ouverts et train fixe qui ne dépassa pas le stade prototype. En 1947 apparut un petit biplace côte-à-côte, monoplan de 145 ch à train escamotable qui donna lieu à une petite série, le Meyers 145. Il donna naissance à un quadriplace, le Meyers 200, conçu pour rivaliser avec le Bonanza, mais qui ne disposa jamais d’un réseau de distribution lui permettant de rivaliser avec le monomoteur Beechcraft. Les droits sur le 200 furent cédés en 1966 à Aero Commander (Aero Commander 200D).

 

http://www.aviationclassifieds.com/thumbnail.php?gd=2&src=adimg/100201041143otw1a.jpg&maxw=800Le Meyers OTW est un biplan à ailes égales décalées de construction mixte. La voilure, qui repose sur un profile RAF-15, est composée de quatre panneaux et d’une section centrale située au dessus du fuselage. Sa structure est classique, longerons en spruce, nervures en spruce et contre-plaqué, le tout entoilé. Montés uniquement au plan inférieur, les ailerons avaient initialement un revêtement en alclad mais à partir du c/n 42 on dut se contenter d’un entoilage en raison de la pénurie d’aluminium. L’entreplan est tenu par quatre jeux de mâts profilés en N, deux jeux soutenant le plan central et constituant la cabane. L’ensemble est raidi par de la corde à piano.

 

Ce Meyers OTW-160 (NC-34310, s/n 54) du Pioneer Flight Museum de Kingbury (Texas) a conserve les couleurs utilisées aux Etats-Unis durant l’entre-deux guerres pour identifier un avion d’école : fuselage gris (ou bleu) et surfaces portantes jaunes. (Photo Aviation Classifieds)

 

Le fuselage est de construction entièrement métallique, structure en alliage 24ST et revêtement en alclad. De la cloison pare-feu au siège arrière sa structure est semi-monocoque, les racines des plans inférieurs venant de construction avec les deux éléments boulonnés dans l’axe du fuselage. Cette partie avant comprend, juste derrière la cloison pare-feu, un réservoir de  carburant de 98 litres. Au-delà du siège arrière, la structure est monocoque. Deux personnes peuvent prendre place à bord, dans des postes en tandem, ouverts et protégés par de généreux pare-brises. L’avion est équipé en double-commande et les sièges ajustables étaient à l’origine équipés de baquets permettant au pilote et à son passager de s’assoir sur leurs parachutes. Le moteur, radial, d’une puissance variant entre 120 et 165 ch, protégé ou non par un capot NACA, entraine une hélice bipale Hartzell en bois, et peut recevoir une alimentation pour le vol inversé (proposée en option depuis décembre 1940).

 

L’empennage, largement dimensionné, de type semi-cantilever, repose sur une structure en alliage 24T avec revêtement d’alclad pour les parties fixes, entoilé pour les gouvernes. Le stabilisateur est ajustable en vol.

 

Offrant une voie de 2,36 m, le train principal était amorti par des amortisseurs à longue course et à ressort Meyers, et doté de roues Meyers 6,50*10 à freins mécaniques. Les carénages de roue ont été abandonnés en cours de production. La roue arrière, libre à l’origine, est orientable en option.

 

Conçu pour l’entrainement primaire et avancé, cet avion combine une allure ancienne et un type de construction moderne. Possédant une structure robuste et une voilure largement dimensionnée, c’est un appareil sain à piloter et réputé très sur, qui passe facilement la voltige avec un moteur de 160 ch, à condition d’apprécier la voltige lente.

 

Caractéristiques du OTW-145 : Envergure : 9,14 m ; Longueur : 6,82 m ; Hauteur : 2,59 m ; Surface alaire : 24,34 m² ; Masse à vide : 557 kg ; Masse au décollage : 844 kg ; un moteur 7 cylindres en étoile Warner Super Scarab, 145 ch à 2 050 t/min ; Vitesse maximale : 193 km/h ; Vitesse de croisière (75%) : 169 km/h ; Vitesse de décrochage : 67 km/h ;  Vitesse ascensionnelle initiale : 244 m/min ; Plafond pratique : 4 570 m ; Distance franchissable : 560 km.

 

Avec un moteur Kinner de 160 ch ces chiffres sont pratiquement inchangées, mais la masse à vide passe à 600 kg et la masse en charge à 867 kg. La vitesse ascensionnelle est améliorée (268 m/min) et la distance franchissable réduite (440 km).  

 

L’auteur remercie Doug Robertson et Jim Golden pour les photos couleur illustrant cet article.