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Tsilefski TG 01 Malesh
Richard FERRIERE


Le fruit de la passion

L'un des aspects les plus attrayants du monde de l'aviation est de voir se rassembler des hommes et des femmes de toutes origines et de toutes conditions sociales pour partager un même amour des choses de l'air. Pour certains le contact avec l'aviation n'est qu'un acte de la vie courante qui n'entraîne pas d'implications majeures sur le comportement général. Pour d'autres au contraire, l'accès à la pratique de l'aviation est le résultat d'un combat farouche gagné à force d'une volonté inflexible et intransigeante déployée pour modifier le cours d'une destinée dont le chemin passait parfois loin de celui qui mène aux aérodromes. Ces derniers constituent les figures les plus marquantes et les plus attachantes que l'on puisse rencontrer dans les aéro-clubs, ils sont par la force et l'élévation de leur caractère les piliers de notre aviation légère et des exemples pour tous. Jean Tsilefski est de ceux-là...

Né en 1926, il a été contaminé par le virus de l'aviation dès l'âge de 7 ans à une époque où, petit berger macédonien, il s' enthousiasmait pour les fantastiques progrès de l'aéronautique. Quittant sa Yougoslavie natale sous domination communiste, il émigre en France à l'âge de 25 ans, très rapidement cet engouement prit un caractère passionnel mais, son origine modeste, ses moyens financiers et ses charges familiales (il est père de 6 enfants dont 4 ont été brevetés pilotes privés) constituaient autant d'obstacles à la réalisation de son rêve. Pour un quidam lambda ces derniers auraient pris des proportions d'Himalaya, mais la foi de Tsilefski était de nature à déplacer les montagnes. Il a commencé à fréquenter l'Aéro-Club du Doubs dans les années soixante bien que ses revenus ne lui permettent pas de prendre des leçons de pilotage. C'est à cette époque qu'il prend contact avec des constructeurs amateurs locaux et en particulier avec Henri Nicollier (le concepteur des célèbres Menestrel). Cette rencontre s'avère déterminante dans la mesure où il participe à la construction d 'un prototype (HN 500 "Bengali") et où il comprend alors qu'il existe une autre voie pour accéder à l'aviation : celle qui consiste à fabriquer son avion soi-même. Une alternative se présente à lui : soit construire un avion déjà existant ; soit réaliser l'appareil original dont les formes sont présentes dans tous ses rêves. La décision est prise en 1970 , cet avion sera l'œuvre de sa vie, sa revanche sur sa jeunesse gâchée par la pauvreté, la guerre,  le manque de liberté et d'éducation.


Jean Tsilefski 1926-1998

Bien qu'ayant réalisé les plans généraux de l'avion, Tsilefski est trop pressé de commencer la construction pour s'astreindre à réaliser les dessins de détail qui sont effectués directement sur les gabarits. Cette impatience l'obligera cependant à arrêter durant un an la fabrication de l'avion alors au trois quart assemblé, lorsque l'expert Véritas lui demandera la présentation des plans. La construction s'étale sur dix années au cours desquelles des difficultés financières,  d'approvisionnement en matériaux et équipements, des problèmes techniques et administratifs mais aussi des périodes de découragement freinent l'avancement des travaux. Lors de ces périodes creuses, c'est dans la lecture du "Talisman" de Marcel Dassault que Jean Tsilefski puise des forces et du courage. Le grand avionneur français n'a certainement jamais su qu'il avait
aidé par son exemple un constructeur amateur à réaliser l'œuvre de sa vie. Enfin il faut également dire que pendant les dix années que durèrent la gestation du TG 01, Tsilefski a réalisé, pour se changer les idées, un Bébé Jodel en pièces détachées et une paire d'ailes de Pitts.

Le TG 01, qui matérialise 47 années de rêve, se présente comme un avion tout à fait classique tant au niveau des formes que du mode de construction ou du type motorisation. Il n'en demeure pas moins que personne ne peut rester indifférent devant son élégance, son agrément de pilotage et ses performances. Cet appareil est par ailleurs  totalement  original  dans  la mesure où, exception faite du moteur et des roues, tout a été conçu et réalisé par Tsilefski lui-même et l'on comprend mieux alors la fierté légitime qui fut la sienne lorsque le 23 septembre 1980, le TG 01 décolla pour la première fois du terrain de Besançon-Thise.

Le fuselage

Le fuselage présente une structure classique composée de couples et de lisses revêtus de panneaux de contre-plaqué. Les flancs du fuselage sont construits séparément puis assemblés sur les couples. Le couple avant qui sert de support au bâti-moteur et au train avant est renforcé, il est recouvert d'une feuille d'amiante et d'une plaque d'aluminium afin de faire office de cloison pare-feu. Les couples situés à l'avant et à l'arrière du siège pilote sont également renforcés pour assurer la fixation de la voilure.


Des lignes modernes et élégantes, un pilotage agréable,  de  bonnes  performances,  une exploitation
économique, le TG 01 est un appareil qui s'inscrit parfaitement dans l'esprit du  brevet de base.

Les commandes de vol sont rigides pour la profondeur et souples pour la direction ; les guignols de manœuvre des gouvernes sont noyés dans le fuselage mais accessibles grâce au carénage démontable qui constitue la pointe arrière. La dérive et le plan fixe de l'empennage horizontal qui viennent de construction avec le fuselage sont entièrement coffrés. L'ensemble du fuselage est marouflé en Tergal.


Les empennages cruciformes comportent des parties fixes coffrées en contre-plaqué
et des surfaces mobiles entoilées. Le plan fixe horizontal tout comme la dérive
vient de construction avec le fuselage. Tous les guignols de commandes
sont noyés dans le fuselage mais restent accessibles grâce au carénage amovible qui forme la pointe arrière.

Le capot-moteur est constitué de deux coquilles moulées en stratifié de fibre de verre et assemblées suivant un plan horizontal par des verrous Dzus. Il est réalisé de manière à réduire au maximum la traînée tout en assurant au flux d'air de refroidissement un débit intense. La sortie de l'air chaud se fait par une ouverture placée sous le capot inférieur qui laisse également place au passage de la jambe de train et des pipes d'échappement.


Le capotage du moteur est réalisé en deux parties moulées en fibre de verre et résine
polyester et assemblées entre elles par des verrous Dzus. Ses formes sont dessinées
pour envelopper au mieux les cylindres et assurer une traînée minimale. L'évacuation
de l'air de refroidissement se fait à la partie inférieure du fuselage par une
ouverture qui laisse également le passage aux pipes d'échappement et à la jambe de train avant.

La verrière d'un dessin très galbé a été moulée en plexiglas par Mecaplex (Grange/Suisse), elle est fixée sur un cadre en bois lamelle et est articulée sur le côté droit du fuselage. La partie fixe située derrière la tête du pilote sert de soute à bagages. Le poste de pilotage conçu pour des pilotes de grande taille ( + 190 cm)comporte un siège en contre-plaqué non réglable recouvert de coussins. La planche de bord supporte une instrumentation standard : badin, altimètre, compte-tours, bille, compas, pression et température d'huile. La manette des gaz, le starter et le contact sont placés sur le tableau tandis que le volant moleté du compensateur de profondeur et la poignée du frein de parc sont disposés sur une console centrale. Le réservoir de carburant de 35 litres est formé de tôles développables soudées, il est fixé derrière la planche de bord au-dessus des genoux du pilote. L'orifice  de  remplissage  est  situé devant le pare-brise, le bouchon comporte une jauge de carburant à flotteur.


Le poste de pilotage est spacieux même pour des pilotes de grande taille et de forte corpulence.

L'aile

Elle est conçue d'une seule pièce. Le longeron, du type caisson, est constitué de semelles en lamelle d'épicéa, cloisonnées par des diaphragmes et réunies par des âmes en contre-plaqué d'okoumé. Les nervures sont construites en treillis de baguettes d'épicéa et enfilées sur le longeron. Afin d'assurer la résistance en torsion et en flexionde l'aile, le bord d'attaque est coffréen contre-plaqué jusqu'au niveau du longeron ; la partie centrale de la voilure l'est par contre sur toute la corde. Des renforts sont placés sur le longeron à l'endroit de l'implantation du train principal et au niveau des fixations de la voilure sur le fuselage. L'assemblage aile-fuselage qui adopte le principe Jodel, se fait au moyen de deux boulons horizontaux traversant le longeron et le maître-couple et de deux vis verticales placées au bord de fuite. Le manche est fixé sur le lon-geron et attaque directement les commandes rigides d'ailerons. Les saumons sont taillés dans des blocs de balsa. L'ensemble de l'aile est entoilé en Dacron.

Le train d'atterrissage

Le train tricycle est de fabrication maison, il est conçu suivant la technique dite "à roues tirées". Les jambes de force en tubes d'acier 25 Cd 4S supportent à leurs extrémités des fourches articulées construites en tubes soudés. La triangulation entre la jambe et la fourche est obtenue au moyen d'un amortisseur de moto BMW qui en plus de sa fonction propre assure un effet de suspension. Les roues identiques sur les trois jambes, sont des roues de nez de Rallye équipées de pneus 330x130. Les roues du train principal possèdent des freins à disque actionnés par une commande unique agissant simultanément sur les deux roues. La roue de nez orientable est commandée par des pédales indépendantes placées entre les palonniers ; le rappel dans l'axe est obtenu par des ressorts montés sur la timonerie.


A gauche : la jambe de train principal est boulonnée sur des renforts placés de part et d'autre du longeron. Les freins
à disques équipant chacune des roues sont actionnés par câbles au moyen d'une commande unique.
A droite : la jambe de train avant est fixée sur le couple avant renforcé à cet effet. Elle est orientable grâce à des pédales
placées entre les palonniers.

La motorisation

Elle est due à Michel Grosjean qui fut également le pilote d'essais. Garagiste de profession et spécialiste Citroën, Grosjean avait pensé à l'origine réaliser une adaptation d'un moteur de la Citroën GS. Bien que la solution Citroën ait paru séduisante à bien des égards, elle fut écartée en raison de sa plus grande complexité au profit du classique Volskwagen dont la technique d'avionnage est aujourd'hui bien connue. Le moteur est donc un VW à quatre cylindres à plat de 1 500 cm3 développant 44 ch à 3250 tr/mn ; il anime en prise directe une hélice en bois de 1,3 m de diamètre. L'avionnage du moteur et son adaptation à la cellule du TG 01 a nécessité un certain nombre de modifications spécifiques :


L'adaptation du moteur VW 1 500 cm3 de 44 ch sur le TG 01 a été réalisé par Michel Grosjean.
On remarque le radiateur d'huile au-dessus du carter et le carburateur fixé à sa partie inférieure.
Le petit réservoirdisposé à la partie supérieure de la cloison pare-feu sert de chambre de mise à l'air libre
et régulateur de pression d'huile. L'hélice est boulonnée sur un plateau de dural lui-même solidaire
de l'extrémité du vilebrequin ; la casserole est moulée en tissus de-verre et résine polyester.

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Impressions de vol

 Sans avoir la prétention d'être un rapport d'essais en vol, ce paragraphe rapporte les premières impressions qu'un pilote, doté de l'expérience d'un assez grand nombre de types d'avion, peut avoir au contact du TG 01. L'accès à bord est aisé grâce à la large bande antidérapante placée sur l'aile gauche et à la verrière articulée sur le côté. La largeur du fuselage est très satisfaisante même pour des pilotes de fort gabarit, le siège n'est pas réglable mais la position par rapport aux commandes peut être si nécessaire ajustée au moyen de coussins. La disposition des commandes est tout à fait classique et ne pose pas de problèmes d'adaptation, seule la position du compensateur derrière le manche peut être critiquée a priori. On verra plus loin, que le pilotage du TG 01 ne nécessite qu'un très faible usage de cette commande et que par conséquent la remarque précédente est sans objet. Le démarrage du moteur se fait à la main avec l'aide ou non du starter suivant la température du moteur. La présence d'un frein de parc efficace évite l'emploi de cales.

Une fois la verrière fermée, la première impression est celle d'une très bonne visibilité due à la qualité optique du plexiglas et aux formes de l'avion. Le champ de vision vers l'avant est exceptionnel en raison du capot-moteur très plongeant ; il est également très bon vers l'arrière puisque l'on peut voir, sans se tordre le cou, ses propres empennages. Le frein de parc desserré, commence le roulage et l'étonnement. La commande d'orientation de la roulette de et s'avère très souple, la manœuvrabilité est surprenante, ainsi au braquage maximal le rayon de virage n'est que de 3 m. Le roulage au sol est très confortable dans la mesure où il n'y a aucun bruit de roulement et où les amortisseurs de moto filtrent parfaitement toutes les inégalités du sol. Par ailleurs le rapport entre la hauteur du train et le diamètre de l'hélice assure une garde au sol importante appréciée sur les terrains mal préparés.


Michel Grosjean responsable de la motorisation et des vols d'essais du TG 01. La conception du train d'atterrissage procure, lors
des manœuvres au sol, un grand confort dû à la douceur des amortisseurs, une très bonne maniabilité grâce à la roue avant
orientable, une garde au sol de l'hélice importante. On remarque également l'excellente visibilité dont dispose le pilote.

Aligné sur la piste, la mise des gaz amène le tachymètre à 3 250 tr/mn, le léger couple à gauche est facilement contré au palonnier. A 90 km/h, l'appareil décolle, l'absence de bruit de roulement et la souplesse du train ne donnent pas de sensation physique à l'inverse des autres avions où l'on sait que l'on est en l'air quand les trépidations cessent. Cette impression donnée par le TG 01 n'est pas sans rappeler celle que donnait, du fait de la très longue course de ses amortisseurs, le Storch. Le décollage s'effectue en l'absence de vent sur une distance de 150 m, après un court palier qui permet d'atteindre la vitesse de montée (130km/h), l'ascension se fait à +3 m/s.

A l'altitude de vol choisie, le passage en palier permet d'atteindre un régime de croisière (75 % de la puissance) avec 3 500 tr/mn et une vitesse indiquée de 180 km/h. Ce type de croisière donne 3 h d'autonomie (non comprise la sécurité d'une demi-heure et sans le réservoir supplémentaire qui peut être installé dans le compartiment à bagages) soit une consommation horaire de 10 litres. Au régime maximum de 3 750 tr/mn, la vitesse horizontale atteint 195 km/h.

Le test des commandes apparaît très positif dans la mesure où suivant les trois axes elles s'avèrent homogènes, souples, efficaces et exemptes d'effets secondaires. La plus forte impression est  donnée  par  les  ailerons :  à 150 km/h le changement d'inclinaison -45°/+45° se fait en 3 secondes ; un virage de 360° à 45° d'inclinaison ne demande que 15 secondes soit un rayon de virage de l'ordre de 100 m. La stabilité suivant l'axe de roulis est indifférente : commandes lâchées le TG 01 conserve l'inclinaison initiale. La profondeur es souple et ne nécessite pas, lors des manoeuvres exécutées, une modification du réglage du compensateur. Pratiquement celui-ci ne trouve son utilité que pour obtenir un vol parfaitement horizontal en croisière. La stabilité suivant l'axe de tangage est très positive, après sollicitation du manche vers l'arrière, l'avion reprend sa trajectoire au bout d'une période. La direction, qui apparaît comme la moins efficace des trois gouvernes, demeure très  suffisante  puisqu'elle  permet d'amener l'avion au décrochage plein moteur en conservant la bille au milieu. La stabilité est comparable à celle obtenue en tangage.


Souple, nerveux, facile le TG 01 permet de retrouver le plaisir de piloter

 Le décrochage, moteur réduit, à lieu à 90 km/h. L'appareil vibre un peu puis salue dans l'axe sans tendance au départ en autorotation. La récupération ne pose aucun problème, la perte d'altitude est faible.

Le plafond du TG 01 est de l'ordre de 3 250 m dans des conditions normales de température. Le constructeur pense qu'il serait possible d'obtenir un gain substantiel en alimentant le carburateur avec de l'air frais prélevé à l'extérieur. Cette modification nécessiterait alors l'installation d'un dispositif de réchauffage carburateur et une modification du capotage inférieur. Compte tenu du climat de notre région, cette modification n'est pas envisagée à l'heure actuelle.

La prise de terrain s'effectue à 120 km/h (1 000 tr/mn) avec une vitesse de chute de — 3 m/s. Le roulement à l'atterrissage par vent nul est de 230 m (sans usage des freins) et 150 m avec freinage.

En conclusion, le TG 01 s'avère un excellent petit avion de sport très bien conçu tant au niveau du confort du pilote (habitabilité, visibilité) que des qualités du pilotage (maniabilité, facilité, performances). Un point important semble être l'aisance avec laquelle n'importe quel pilote peut s'adapter à cette machine par ailleurs fort robuste. Toutes ces qualités ont été récompensées, lors du rassemblement national du RSA à Brienne-le-Château en 1982, par l'attribution du prix SFACT.

Caractéristiques

Longueur : 5.6 m
Envergure : 7.36 m
Surface : 8.4 m2
Allongement : 6.5
Dièdre : 5°
Flèche : 0°
Calage de l'aile : +3°
Masse à vide : 270 kg
Masse maximum : 380 kg
Charge alaire : 41 kg/m2
Moteur Volkswagen VW 1500 cm3
Puissance : 44 ch à 3250 t/mn
Hélice : 1.3m de diamètre
Capacité du réservoir : 35 litres 97 octane
Autonomie : 3 heures + 1/2 heure
Vitesse de décrochage : 90 km/h
Vitesse maximale VNE : 250 km/h
Vitesse de croisière (75%) : 180 km/h
Vitesse de croisière rapide : 195 km/h
Vitesse ascentionnelle : + 3m/s à 130 km/h
Vitesse d'approche : 120 km/h
Longueur de roulage au décollage : 150 m
Longueur de roulage à l'atterrissage : 230 m

Epilogue

Jean Tsilefski est mort en 1998 d'une rupture d'anévrisme dans l'atelier qui jouxte sa maison à Montferrant-le-Château.près de Besançon. Il travaillait alors à la construction du TG02 qui était un nouvel avion biplace motorisé par un 100 ch Continental et dont la cellule était au ¾ terminée. La liasse de plan du TG 01, qu'il était en train de dessiner, est malheureusement restée inachevée et le TG 01 F- PYIN restera probablement le seul exemplaire de son espèce.

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